Aux Royaumes des Animaux !
Que serait le monde sans animaux ? Je ne le sais pas. A vrai dire, je ne me le suis jamais demandé, ne me figurant pas vivre autrement qu'entouré d'animaux. Et en disant cela, je ne me réfère pas seulement à ceux que l'usage qualifie de domestiques, un terme que je considère à la fois comme impropre et déplacé, tant il rappelle à la fois le besoin de l'homme à dominer tout ce qui l'entoure, et son incapacité à vivre véritablement en harmonie avec la grande majorité des formes vivantes qui ne relève pas de son pouvoir. Et quelle capacité, unique au demeurant, que celle de l'homme à s'approprier un territoire qui ne lui appartient pas, à en chasser les premiers occupants, au besoin en les massacrant, et, comble de la cupidité et de l'ignorance, à reproduire à l'encontre de sa propre espèce les actes barbares perpétrés sur nombre de créatures jugées inférieures.
Après avoir servis à divertir les foules — souvent de manière sanglante — des siècles durant, les animaux
devinrent avec le Moyen-Age des objets de collection
, des marques extérieures de richesse, que rois et seigneurs se
plaisaient à arborer, d'abord à l'occasion de visites officielles de dignitaires étrangers, puis plus tard devant leurs
sujets. Nombre de ces collections
animales privées, encore appelées ménageries
,
furent à l'origine des premiers jardins zoologiques — familièrement appelés zoos
—, comme celui du Jardin des Plantes à Paris (1794), celui de Londres (1831) ou encore celui de Berlin (1844), dont
les conditions de détention — exiguité des installations, individu isolé, cage avec barreaux — favorisaient
rarement la reproduction des espèces maintenues en captivité.
Avec la fin des années 1950, sous l'impulsion de zoologistes tels que l'allemand Bernhard Grzimek (également directeur du
zoo de Francfort-sur-le-Main), un nombre de plus en plus important de responsables de parcs animaliers vont être
sensibilisés au problème de la conservation des espèces menacées dans la nature. Cette prise de conscience
collective, lente mais décisive, va conduire, dans un premier temps, à la signature en 1973 de la Convention de
Washington, qui règlemente ou interdit le prélèvement direct d'animaux dans leur milieu naturel. Ensuite, à
repenser les conditions, non plus de détention, mais d'hébergement des animaux au regard de leur bien-être véritable, avec
la mise en oeuvre de plusieurs concepts, comme celui de la plaine africaine
(photo ci-dessus, à gauche à la Boissière-du-Doré, à droite à Beauval). Enfin, à conduire la plupart des
structures zoologiques mondiales à se fédérer en associations — nationales comme la SNDPZ, l'ANPZ ou
la CEPA en France; européennes comme l'EAZA; ou mondiales comme la WAZA — pour collaborer activement à des
programmes spécifiques d'élevage en captivité, permettant d'une part d'assurer les besoins en animaux de façon
autonome, et ensuite d'envisager la réintroduction ultérieure de certaines espèces dans leurs contrées d'origine.
Amoureux de la nature et des animaux depuis mon enfance, j'entends apporter ma modeste contribution à cet effort collectif en accordant durant ce voyage — et ceux qui suivront — une part importante à la visite d'établissements réputés pour leur exemplarité, au regard de la protection de la vie animale et de leur participation active à des Programmes Européens d'élevage pour les Espèces en danger (European Endangered species Programme ou EEP en anglais). Quatre d'entre-eux seront ainsi mis à l'honneur durant l'été 2010.
Premier royaume : l'Espace zoologique de La Boissière-du-Doré
Superficie : 19 hectares. Collection animale : 600 animaux appartenant à 70 espèces.
Membre de l'AFdPZ (Association Française des Parcs Zoologiques), l'Espace zoologique de La Boissière-du-Doré, qui a vu le jour en 1984, soutient financièrement des programmmes de conservation tels que le Sumatran Orangutan Conservation Programme ou SOCP, qui vise la réintroduction d'orangs-outans braconnés sur l'ile de Sumatra, et Ape Action Africa ou AAA — ex-CWAF —, lequel s'occupe de récupérer des animaux braconnés dans la forêt camerounaise pour les réintroduire dans leur milieu naturel.
L'Espace zoologique de La Boissière-du-Doré soutient également très activement 17 EEP, non seulement ceux inhérents aux orangs-outans de Sumatra (Pongo pygmaeus abelii) et de Bornéo (Pongo pygmaeus pygmaeus), qui sont respectivement représentés au parc par sept et deux individus (constituant ainsi le plus important groupe européen), mais encore ceux d'autres petits primates comme le maki vari noir et blanc (Varecia variegata variegata) — au bord de l'extinction dans la nature —, le tamarin lion doré (Leontopithecus rosalia) et le tamarin lion noir à tête dorée (Leontopithecus chrysomelas).
En outre, parmi les carnivores menacés, le parc présente le second plus grand groupe européen de l'insaisissable panthère nébuleuse (Neofelis nebulosa) — dont il a obtenu une naissance — et un groupe non moins important de lions d'Asie (Panthera leo persica). Et côté grands herbivores, quatre couples de cobe lechwe du Nil (Kobus megaceros) ainsi que la plus forte concentration en France de girafes de Rothschild (Giraffa camelopardalis rothschildi).
Deuxième royaume : le ZooParc de Beauval
Superficie : 22 hectares. Collection animale : 4000 animaux appartenant à 450 espèces.
Autre membre de l'AFdPZ, le ZooParc de Beauval, inauguré quant à lui en
1980, soutient lui aussi, au travers notamment de son Association Beauval Conservation et Recherche
, de nombreux
programmmes de conservation de par le monde, parmi lesquels la Gilman
International Conservation pour la protection des okapis dans les forêts d'Ituri et de Semiliki au Congo; la John Aspinall Foundation pour la réintroduction de gorilles
orphelins au Gabon; ou encore l'Association
Hutan pour la conservation des orang-outans et des éléphants asiatiques en Malaisie.
Collaborant à 47 EEP, le ZooParc de Beauval est le coordinateur de trois d'entre-eux, à savoir ceux du tapir terrestre (Tapirus terrestris), du cacatoès des Philippines (Cacatua haematuropygia) et du microglosse ou cacatoès noir (Probosciger aterrimus), des programmes dont il s'acquitte fort bien tout en soutenant d'autres actions visant à protéger ces espèces dans leurs pays d'origine.
Le ZooParc se fait fort de présenter des espèces invisibles ailleurs en France — comme l ' okapi (Okapia johnstoni), les dendrolagues de Goodfellow (Dendrolagus goodfellowi buergersi) et de Matschie (Dendrolagus matschiei) ou encore la bettongie à queue touffue (Bettongia penicillata), un petit marsupial qui a bien failli disparaître il y a quelques années.
Beauval collectionne aussi de belles victoires au regard des naissances enregistrées. Ainsi son groupe de lamantins de Floride (Trichechus manatus latirostris) est le seul au monde à avoir donné naissance à des jumeaux. Il est aussi le seul parc animalier au monde à avoir obtenu à quatre reprises des naissances de cacatoès des Philippines (Cacatua haematuropygia) et de cacatoès à huppe orange (Cacatua sulphurea citrinocristata), deux espèces au bord de l'extinction à l'état sauvage. Plus encore, il est le seul en France à avoir réussi la reproduction du koala du Queensland (Phascolarctos cinereus adustus) et du rhinocéros blanc du Sud (Ceratotherium simum simum). Enfin, Beauval possède le plus grand groupe français de panthère de Perse (Panthera pardus saxicolor), celui-ci ayant aussi honoré le parc de deux naissances.
Troisième royaume : le Parc zoologique de Tierpark Berlin-Friedrichsfelde
Superficie : 160 hectares. Collection animale : 7794 animaux appartenant à 897 espèces.
Membre comme les deux précédents de l'EAZA (European Association of Zoos and Aquaria), le Parc zoologique de Tierpark Berlin-Friedrichsfelde, ouvert au public en 1955, a acquis depuis cette date une solide réputation de centre de reproduction, tout d'abord du cheval de Przewalski (Equus caballus przewalskii) — le seul et unique cheval existant encore aujourd'hui à l'état sauvage —, puis avec les années 1960, de l ' ours à lunettes (Tremarctos ornatus), de la girafe d'Angola (Giraffa camelopardalis angolensis) et du boeuf musqué (Ovibos moschatus).
Avec les années 1970 arrivèrent les premiers représentants de l '
âne sauvage de Somalie (Equus asinus somalicus)
— quasiment éteint dans son pays d'origine — dont l'élevage fût un tel succès que le Tierpark devint des années
durant le fournisseur
officiel de l'espèce auprès des autres structures zoologiques du continent. Il fût encore le
premier parc européen à accueillir un couple de
takin du Mishmi (Budorcas taxicolor taxicolor), dont il enregistra en 1980 la première
naissance hors de Chine. Il réussit pareillement dans les années suivantes la reproduction de deux autres espèces menacées, la
gazelle de Mhorr (Gazella dama mhorr) et la
redunca des montagnes (Redunca fulvorufula fulvorufula).
Dans les années 1980, lorsque les parcs européens se fédérèrent et mirent en place des programmes d'élévage spécifique,
le Parc zoologique de Tierpark Berlin-Friedrichsfelde, de
par son expérience passée, devint tout naturellement un collaborateur de choix dans la préservation de nombreuses
espèces menacées à l'état sauvage — il participe aujourd'hui à 58 EEP —, se faisant même une véritable
arche de Noé
pour plusieurs espèces de cervidés comme le
cerf de Przewalski (Cervus albirostris), le
cerf du Père David (Elaphurus davidianus) et le
cerf du Vietnam (Cervus nippon pseudaxis) — tous deux éteints à l'état sauvage
— ainsi que le
daim de Mésopotamie (Dama dama mesopotamica), le Tierpark étant depuis 1990 le
coordinateur de l'EEP de ces deux dernières espèces.
Enfin, ce grand parc animalier — le plus grand d'Europe — se plaît à produire certaines espèces animales en
collections.
Ainsi, outre trois sous-espèces de takins, deux espèces et trois variétés de bisons, le Tierpark présente
les deux espèces d'éléphants sous quatre formes différentes, dont l '
éléphant de Sumatra (Elephas maximus sumatranus); trois variétés de tigres dont le
tigre de Malaisie (Panthera tigris jacksoni); trois espèces de zèbres, notamment un
zèbre de montagne, le
zèbre de Hartmann (Equus zebra hartmannae); sans oublier les trois espèces de hyènes,
entre autres la rarissime et discrète
hyène brune (Parahyaena brunnea).
Quatrième royaume : le Jardin zoologique de Tiergarten
Superficie : 34 hectares. Collection animale : 15912 animaux appartenant à 1468 espèces.
Membre quant à lui de l'EAZA et de la WAZA (World Association of Zoos and Aquariums), le Jardin zoologique de Tiergarten est aussi l'un des plus anciens parcs animaliers
du monde, puisqu'il a ouvert ses portes en 1844, en accueillant les animaux qui provenaient de la ménagerie royale du roi
Frédéric-Guillaume IV de Prusse. Certaines espèces présentes à l'origine, comme le kangourou ou le buffle d'eau, le
sont toujours aujourd'hui. D'autres espèces sont venues agrandir la collection du zoo dans le cadre d'un programme
d'élevage, et le sont aujourd'hui encore au travers de l'un des 52 EEP que le parc soutient.
C'est le cas entre autres du
bison d'Europe (Bison bonasus) qui s'y reproduit depuis 1872 — à côté d'une
horde de ses cousins
américains arrivés en 1884 —; de l'imposant
gaur de l'Inde (Bos gaurus gaurus), arrivé lui en 1909, et qui prospère au sein du
plus grand groupe européen de son espèce; de l '
hippopotame nain (Hexaprotodon liberiensis), qui se reproduit à Tiergarten depuis
1921; ou encore du
bongo des montagnes de l'Est (Tragelaphus eurycerus isaaci) qui y est présent depuis
1972.
Réputé pour son incomparable collection animale — la plus importante au monde avec près de seize mille animaux, dont
neuf mille regroupés au sein de l'Aquarium-terrarium-vivarium datant de 1913 —, le Jardin zoologique de Tiergarten joue la carte de la diversité à tous les
niveaux, en présentant au côté d'espèces relativement familières du grand public, comme le
rhinocéros noir de l'Est africain (Diceros bicornis michaeli) — une des grandes
réussites du parc en matière d'élevage depuis son arrivée en 1954 —, ou encore le
pécari à lèvres blanches (Tayassu pecari albirostris) — dont le groupe captif
est le plus important de la planète —, des espèces qualifiées de plus exotiques
comme l '
anoa de montagne (Bubalus quarlesi) et le
babiroussa de Sulawesi (Babyrousa babyrussa celebensis).
L'exotisme de la collection animalière du Tiergarten est renforcée par la présence d'animaux qu'il est quasiment impossible de voir ailleurs en Europe, au nombre desquels figurent le fossa (Cryptoprocta ferox), le loup de l'Hudson (Canis lupus hudsonicus), le tayra (Eira barbara) et l ' ours lippu de l'Inde (Melursus ursinus ursinus), des espèces dont bien souvent le parc seul maîtrise vraiment la reproduction.
La direction de ce splendide jardin zoologique — commune au Tierpark Berlin-Friedrichsfelde — a aussi pris le
parti de constituer des collections thématiques
d'espèces animales, comme celle des rapaces, au
nombre d'une trentaine; celles des ours et des flamants, représentées chacune par cinq espèces; celle des
primates compte une bonne vingtaine d'espèces, parmi lesquels le
bonobo ou chimpanzé nain (Pan paniscus) et le rarissime
titi rouge (Callicebus cupreus); celle des cervidés également, avec près d'une
quinzaine de membres dont le méconnu
kanchil ou chevrotain malais (Tragulus javanicus); sans oublier celle des manchots,
deux des quatre espèces présentées au Tiergarten — dont l'amusant
gorfou sauteur du Nord (Eudyptes chrysocome moseleyi) — évoluant sous un dôme
spécialement conçu pour reproduire leur condition de vie naturelle... à une température constante de 6°C ! Une attraction
supplémentaire au registre de ce parc animalier qui ne se contente pas — et de loin — d'exhiber ses deux
vedettes
à quatre pattes que sont Bao-Bao le panda géant et Knut l'ours polaire.