Journal de bord : Terre ! Terre ! berlinoise



Me voici déjà à ma deuxième journée en terre allemande et je n'ai pas encore atteint le but premier, le pourquoi je me suis décidé à accomplir une odyssée de près de quatre mille kilomètres... mais je n'en suis plus très loin... juste à un peu moins de quatre heures de route ! Ce matin encore, il est particulièrement important que je me réveille à l'heure habituelle, que je me lève à l'heure habituelle et que je quitte ma halte nocturne à l'heure habituelle, parce qu'aujourd'hui... j'ai rendez-vous avec une grande dame, une dame de la haute société, et çà... c'est pas habituel !

Cette grande dame, c'est une ville — que dis-je — c'est une mégalopole comme il en existe peu en Europe, trois fois plus populeuse que Paris, huit fois plus étendue aussi, et cette mégalopole a pour nom... Berlin. Un nom chargé d'une histoire, d'un lourd passé, lié à des évènements que l'on voudrait bien effacer de la mémoire collective de l'Humanité. Mais aussi une ville qui — à l'instar du peuple allemand — a su repartir de pratiquement rien pour devenir l'une des plus attirantes, l'une des plus recherchées, l'une des plus appréciées au monde. Telle une femme qui a su, au travers des épreuves de la vie, devenir une grande dame, Berlin est une ville dont les nombreux charmes méritent d'être découvert sans précipitation, je dirai presque avec respect. C'est pourquoi j'ai décidé de m'accorder trois jours, et plus encore quatre nuits, dans celle qui est la capitale de l'Allemagne réunifiée depuis 1991, pour le plaisir de sentir son parfum... qu'on dit incomparable !

Si je ne souhaite pas être en retard à mon rendez-vous — outre le fait qu'il n'est pas bien de faire attendre une dame — c'est parce que j'ai prévu, sitôt arrivé, de profiter des joyaux qu'offre Berlin, du moins les plus notoires, la ville ne comptant pas moins de... 146 musées, pour ne citer que ceux-là ! Respectueux de mes propres centres d'intérêt, j'ai sélectionné le Muséum d'Histoire Naturelle pour le premier jour, me souvenant qu'il ferme ses portes à dix-sept heures le vendredi (jour de mon arrivée). La météo annonçant une détérioration du temps au début de la semaine suivante, je repousse ma visite, à l'abri, du Pergamonmuseum et du Neues Museum — situé sur l'Ile aux Musées — au dernier jour, mon week-end étant consacré aux deux grands parcs zoologiques de Berlin, le Parc zoologique de Berlin-Friedrichsfelde à l'est, puis le Jardin zoologique de Tiergarten à l'ouest, dans la mesure où ce sont eux qui m'ont incités à entreprendre ce voyage loin de ma Bretagne natale.

Premier jour : le Muséum d'Histoire Naturelle



Brachiosaure ou Giraffatitan ? Quand on évoque le Muséum d'Histoire Naturelle de Berlin — Museum für Naturkunde der Humboldt-Universität zu Berlin en allemand —, une image vient irrémédiablement à l'esprit de beaucoup : celle du squelette d'un gigantesque dinosaure au long cou qui regarde de haut — c'est le moins que l'on puisse dire quand on sait que sa tête est perchée à plus de treize mètres du sol — un troupeau d'êtres humains réduits à l'état de lilliputiens. Cette impressionnante reconstitution (photo ci-contre), qui a fait la notoriété de l'établissement, a longtemps été présenté comme celle d'un brachiosaure ayant vécu à l'époque du Jurassique, il y a environ cent cinquante millions d'années. Or, une comparaison effectuée à la fin des années 1980 entre les crânes des spécimens africains et américains de cet animal disparu semblent démontrer l'évidence de deux espèces différentes, l'exemplaire berlinois, découvert en Tanzanie peu avant la Première Guerre Mondiale, et considéré près d'un siècle durant comme le type même du brachiosaure, serait en réalité... un giraffatitan. Que les amateurs de paléontologie se le tiennent pour dit !

On aurait tort cependant de limiter notre connaissance de ce Muséum d'Histoire Naturelle à ces impressionnants — mais somme tout limités — représentants dinosauriens, tant le musée regorge de merveilles touchant au règne animal, et à toute l'histoire de la vie sur notre planète de manière générale. En tout, ce sont près de trente millions d'objets qui sont répartis sur quelques 6000 m2 d'exposition, parmi lesquels neuf millions d'insectes et cinq millions de mollusques. La section minéralogique compte près de cent vingt-cinq mille pièces du monde entier, couvrant les deux tiers des trois mille sortes de minéraux connues. Cent cinquante mille mammifères d'un millier d'espèces différentes sont également présentés, un grand nombre d'entre-eux ayant été naturalisés par les artisans taxidermistes du musée.

Si le musée est un espace de visite et de découverte pour le public, il est aussi un lieu de travail pour une centaine de scientifiques, qui ont notamment à leur disposition un fonds documentaire ne comprenant pas moins de 167 000 titres, auxquels viennent s'ajouter de surcroît 850 périodiques qui couvrent tous les domaines de la zoologie. C'est dire que le Muséum d'Histoire Naturelle de Berlin est une source de connaissance quasi inépuisable sur le monde — passé et présent — qui nous entoure, et qu'on ne peut que ressortir rassasié de sa visite.

Deuxième jour : le Parc zoologique de Berlin-Friedrichsfelde




Pélicans au Tierpark Berlin-Friedrichsfelde Le Tierpark Berlin-Friedrichsfelde — c'est son appellation allemande — est, avec ses cent soixante hectares, le plus vaste parc animalier d'Europe et l'un des plus vastes parcs uniquement pédestres du monde. Situé dans ce qui était autrefois Berlin-Est, il a été inauguré en 1955 sur le domaine du château de Friedrichsfelde (d'où son nom) lequel peut néanmoins toujours être visité et où, dit-on, deux mariages sont célébrés chaque jour ! Les allées du château, superbement aménagées et abondamment fleuries, offrent un spectacle souvent pittoresque, comme en témoigne la photo ci-contre où un groupe de pélicans manifeste un intérêt évident pour le jardinier qui travaille... sur leur territoire !

Autre centre d'intérêt particulièrement réputé, la fameuse Alfred-Brehm Haus qui présente l'une des plus grandes collections de fauves d'Allemagne, dont certaines espèces très rares en captivité. Nommée en l'honneur de l'écrivain et ancien directeur du zoo de Hambourg, cette fauverie est composée d'agencements à la fois intérieurs et extérieurs, utilisés parfois en alternance pour présenter des espèces différentes dans un espace relativement réduit, ce procédé, autrefois en vogue dans les zoos allemands, n'étant plus mis en oeuvre qu'au Tierpark. Les installations extérieures, quant à elles, sont constituées de cages, quelque peu obsolètes en apparence, mais qui procurent aux félins un cadre de vie qu'ils apprécient manifestement puisqu'ils s'y reproduisent régulièrement. Le succès remporté au regard de la reproduction des animaux en captivité ont fait de ce parc zoologique un véritable réservoir d'animaux pour les autres zoos du continent et — avec le Safari-Park de Dvur-Kralove en République tchèque — une référence en la matière. Plus encore, les programmes d'élevage conduits au Tierpark Berlin-Friedrichsfelde ont permis la réintroduction dans la nature de plusieurs espèces comme le chat sauvage d'Europe, la gazelle de Mhorr, l'addax, l'oryx algazelle ou le cheval de Prezwalski. Toutes ces efforts déployés en faveur de la protection de la nature méritent bien une petite visite d'encouragement de notre part !

Troisième jour : le Jardin zoologique de Tiergarten




Plus de quinze mille animaux, appartenant à près de mille cinq cents espèces différentes, réunis sur trente-cinq hectares de terrain ! Tel est l'exploit accompli par ce parc zoologique que les Allemands dénomme Zoologischer Garten Berlin, un parc zoologique qui ouvrit ses portes en 1844, en grande partie avec le don des animaux — kangourous, lamas, ours, buffles d'eau — provenant de la ménagerie royale du roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse. Le parc ne cessa de s'agrandir, en comptant jusqu'à trois mille sept cents animaux à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Cette période se termina aussi tragiquement pour les pensionnaires du zoo que pour la ville de Berlin et ses habitants, puisqu'à l'issue des bombardements alliés, seuls quatre-vingt onze animaux étaient encore en vie !

Bao Bao, le panda géant Ces dernières années, le Jardin zoologique de Tiergarten a acquis une notoriété rarement égalée grâce... à deux de ses ours. Le premier est Bao Bao (photo ci-contre), en réalité un panda géant — mais les zoologues s'accordent aujourd'hui à classer cette espèce dans la famille des ursidés, celle des ours véritables —, qui est le plus vieux représentant de son espèce à être détenu en captivité. Né probablement à l'automne 1978, Bao Bao fut trouvé blessé en avril 1979 et placé au zoo de Chengdu pour y être soigné. En novembre de l'année suivante, après un bref séjour au zoo de Pékin, Bao Bao arriva au zoo de Berlin accompagné d'une femelle du même âge dénommée Tjen Tjen, le couple de pandas ayant été offert au chancelier allemand Helmut Schmidt par le premier ministre chinois Hua Guofeng dans le cadre des relations diplomatiques tissées entre leurs deux pays. Toutefois, Tjen Tjen mourut en 1984, laissant son compagnon seul des années durant. En 1995, de nouveau dans le cadre d'un échange, cette fois entre les villes de Berlin et de Pékin, le parc de Tiergarten reçut un autre panda femelle du nom de Yan Yan, avec l'espoir de parvenir à une naissance — un objectif difficile à atteindre avec les pandas géants en captivité —, mais cela ne put aboutir, cette seconde femelle décédant, comme la première, d'un problème intestinal en 2007. C'est dire qu'aujourd'hui le bon vieux nounours noir et blanc bénéficie d'une attention à rendre jaloux plus d'un !

Knut, l'ours-vedette L'histoire de Knut (photo ci-contre) est quelque peu différente. Né en décembre 2006 et abandonné par sa mère à sa naissance, l'ours polaire passa quarante-quatre jours dans un incubateur avant que Thomas Dörflein, soigneur du zoo de Berlin, ne commence à le nourrir au biberon. Le besoin d'attention constante de Knut impliqua que Dörflein dut se résoudre à dormir sur un matelas à côté de l'enceinte de nuit de Knut, ainsi que jouer avec lui, le laver et le nourrir. Dörflein accompagnait aussi Knut lors de ses deux apparitions publiques quotidiennes, au point de devenir une célébrité, moins que son compagnon animal qui provoqua un déchaînement médiatique sans précédent, des centaines de photographes, d'équipes de télévision et de curieux se massant devant son enclos. Si la knutmania — comme on a appelé ce phénomène — s'est quelque peu calmée depuis le décès de son soigneur-éleveur fin 2008, l'ourson devenu un ours de plus de deux quintals demeure toujours l'une des vedettes du parc, et l'une des attractions qui attirent le plus de visiteurs — environ deux millions et demi par an —, assurant ainsi les recettes d'un établissement qui, de toute manière, mérite assurément le détour !

Quatrième jour : l'Ile aux Musées




L'Ile aux Musées Situé au coeur même de Berlin, à moins d'un kilomètre au sud du Muséum d'Histoire Naturelle, l'Ile aux Musées — en allemand Museumsinsel —, est un exceptionnel rassemblement de musées qui, autrefois distants, ont été réunis récemment sur un même site, une île au coeur de la rivière Spree qui est à Berlin ce que l'île de la Cité est à Paris. Illustré par l'image de synthèse ci-contre, cet ensemble de musées comprend de haut en bas — et géographiquement du nord au sud :

  1. Le Bode-Museum ou Musée de Bode en français, comporte trois parties dénommées la Collection des Sculptures, le Musée d'Art byzantin et le Cabinet des Médailles. La Collection des Sculptures — parmi les plus anciennes au monde — se veut une présentation exhaustive de l'histoire de la sculpture européenne. Le Musée d'Art byzantin, quant à lui, expose des oeuvres provenant de l'Empire romain d'Occident et de l'Empire byzantin du IIIème au XVème siècles. Enfin, le Cabinet des Médailles est l'une des plus importantes collections numismatiques au monde, avec pas moins de 500 000 pièces répertoriées, toutes les pièces exposées étant en outre expliquées dans un catalogue numismatique interactif.
  2. Le Pergamonmuseum ou Musée de Pergame abrite la Collection d'Antiquités Classiques, à savoir des bustes — notamment le réputé buste de Périclès — et des statues datant de l'époque archaïque grecque jusqu'à la chute de l'Empire romain, le Musée du Proche-Orient, qui fait la part belle aux oeuvres d'art hittites, assyriennes, babyloniennes et perses, et enfin le Musée de l'Art islamique où l'on peut admirer de nombreux tapis d'Orient.
  3. Le Neues Museum ou Nouveau Musée, qui porte bien son nom puisqu'il a été réouvert au public en octobre 2009, après être resté pendant près de cinquante ans dans un état avancé de ruine, suite aux bombardements alliés durant la Seconde Guerre Mondiale. Ce musée a ainsi retrouvé sa collection d'antiquités égyptiennes qui avait fait sa gloire, auxquelles sont venues s'ajouter les joyaux de l'ancien musée de la Préhistoire et de la Protohistoire, au nombre desquels figurent une partie des antiquités troyennes mises à jour par Heinrich Schliemann à la fin du XIXème siècle... celle que l'armée soviétique oublia de ramener à Moscou en 1945 !
  4. L'Alte Nationalgalerie ou Ancienne Galerie Nationale est le musée le plus réputé d'Allemagne pour ses collections de peintures étrangères, et notamment françaises, ces dernières étant mises à l'honneur avec les courants réaliste (Gustave Courbet) et impressionniste (Cézanne, Manet, Monet, Renoir).
  5. L'Altes Museum ou Ancien Musée, partiellement en rénovation jusqu'en 2015, présente néanmoins une riche collection d'objets d'art des époques étrusque et romaine.

Joyaux de l'Ile aux Musées Devant l'exceptionnelle richesse des oeuvres présentées au public sur l'Ile aux Musées, chacun peut choisir, au gré de ses passions, l'orientation qu'il entend donner à sa visite pour que celle-ci demeure un moment inoubliable. Passionné depuis des décennies par l'histoire ancienne et l'archéologie, j'entends pour ma part flâner dans les salles du Pergamonmuseum, à m'extasier devant les monumentales reconstitutions de l'Autel de Pergame — 125 mètres tout de même —, de la Porte d'Ishtar à Babylone (à gauche sur la photo ci-dessus) ou la Porte de l'Agora de Milet. Et je ne manquerai pour rien au monde de me retrouver devant le célèbre buste de la reine Néfertiti (à droite sur la photo), en arpentant les vastes couloirs du Neues Museum. Des trésors comme ceux-là, on n'a pas l'occasion d'en voir tout les jours, moi je vous le dis !

Itinéraire : Zella-Mehlis - Berlin ( 354 kms - quatre heures de route )

A. Zella-Mehlis B. Berlin